Thomas : Pierre,
je ne sais pas quelle idée te prend de me parler d'une virgule. Je te dirai
tout de suite que j'ai toujours trouvé les cours de grammaire plutôt ennuyeux.
Pour moi, une virgule de plus ou de moins dans un texte, ou bien une virgule
placée avant ou après un mot, cela n'a pas bien grande importance.
Pierre : Je ne
suis pas de ton avis. Ce petit signe de ponctuation a au contraire une très
grande importance. Placé avant un mot, il donne à la phrase telle signification
et placé après ce mot, il donne à la phrase une signification tout à fait
différente.
Thomas : Ah !
Pourrais-tu concrétiser ta pensée par un exemple.
Pierre : Et bien
voici, je vais te citer la réponse faite par Jésus à l'un des larrons qui,
crucifié lui aussi, fit au Seigneur la requête suivante : “ Souviens-toi de
moi, quand tu viendras dans ton règne ”. Ces paroles se trouvent dans
l'Evangile selon Luc, au chapitre 23, verset 42. Et au verset 43 nous lisons :
“ Jésus lui répondit : je te le dis en vérité, (virgule) aujourd'hui tu seras
avec moi dans le paradis ”.
Thomas : La
réponse de Jésus, lue avec la virgule placée avant le mot “ aujourd'hui ”
signifie quoi ?
Pierre : Que le
larron serait le jour même dans le paradis avec le Seigneur Jésus. Autrement
dit, tous deux mourraient, chacun sur sa croix, et tous deux seraient
immédiatement transférés au paradis où ils se retrouveraient.
Thomas : C'est
bien ainsi que l'on a toujours compris ce texte, ne crois-tu pas ?
Pierre : C'est
en effet ce que l'on comprend quand on lit la réponse du Seigneur avec la
virgule placée avant l'adverbe de temps “aujourd'hui”.
Thomas : Mais si
la virgule était placée après cet adverbe, que lirions-nous ?
Pierre : Nous lirions
ceci : “ Je te le dis en vérité aujourd'hui, (virgule) tu seras avec moi dans
le paradis ”.
Thomas : Est-ce que cette 'phrase, lue
comme tu viens de la lire, avec la virgule placée après le mot “ aujourd'hui ”,
comporte la même pensée que celle contenue dans la phrase que tu as lue
précédemment, avec la virgule placée avant ce mot ?
Pierre : Mais
pas du tout ! La pensée n'est plus la même ! Comme je le comprends, avec la
virgule placée après “ aujourd'hui ”, Jésus déclare au larron qu'il sera au 'paradis
avec lui, un certain jour, à l'avenir, mais pas le jour même.
Thomas : Ici,
l'adverbe “ aujourd'hui ” ne s'applique pas au moment où le larron sera avec
Jésus dans le paradis, mais au moment où Jésus parlait.
Pierre : En
effet, c'est comme si Jésus disait : “ Ce que je te dis, c'est aujourd'hui que
je te le dis : tu seras avec moi dans le paradis ”. Nous nous
trouvons donc en face de deux interprétations différentes. Laquelle est la
bonne ?
Thomas : Mais ce
ne peut être que la première. Il faut laisser la virgule là où elle est dans le
texte. Tu n'as quand même pas le droit, toi, de déplacer comme ça, les virgules
dans le texte sacré pour lui donner la signification que tu veux. Ce serait
trop facile !
Pierre : Je n'en
aurais pas le droit, si c'était saint Luc lui-même oui les avait placées là où
elles sont, quand il écrivit sa version de l'Evangile. Mais sache que saint
Luc, de même que les auteurs des autres écrits du Nouveau Testament, et ceux de
l'Ancien Testament, n'ont employé aucune virgule, aucun point, aucun point
virgule. Dans les textes sacrés originaux, il n'y avait aucun signe de
ponctuation.
Thomas : Comment
peux-tu affirmer celà ?
Pierre : Je te
citerai à ce sujet quelques extraits de l'ouvrage “ Guide du lecteur de 'la
Bible ” de Harens. A la page 73, il est écrit : “ Les
écrits sacrés n'avaient primitivement aucun signe de ponctuation ; les lettres
se suivaient comme si chaque ligne n'était qu'un seul mot ”. Et à la page 74,
on peut lire : “ Au septième siècle des lectionnaires, c'est-à-dire des
manuscrits spécialement destinés à l'usage du culte public et contenant le
recueil des péricopes ou des parties du Nouveau Testament qu'on avait coutume
de lire dans les églises, se multiplièrent. Au neuvième, le point
d'interrogation et la virgule furent adoptés”.
Thomas : Ah !...
Mais, s'il en est ainsi, le sujet se présente 'sous un nouveau jour. Si à
l'origine, il n'y avait aucune virgule dans la Bible, et si les virgules
existant dans le texte sacré y ont été introduites au neuvième siècle
seulement, alors on ne peut pas tenir compte de ces virgules pour essayer de
saisir la signification exacte de certains passages.
Pierre : Nous
sommes donc en droit de ne pas tenir compte de la virgule qui figure dans notre
texte.
Thomas : Mais,
même sans virgule, le problème demeure : est-ce que le mot “ aujourd'hui ”,
prononcé par Jésus, s'applique au moment où le larron devait être au paradis
avec le Seigneur, et dans ce cas, ce serait le jour même ; ou bien est-ce que
ce mot se rapporte au moment où Jésus parlait et dans ce cas, cela signifierait
que le larron ne serait pas avec le Seigneur, au paradis, le jour même, mais
ultérieurement ?
Pierre : Pour
être clair sur ce point, il faut se référer à d'autres passages bibliques.
Thomas : Est-ce
que Jésus, lui-même, est allé au paradis immédiatement après sa mort ? Que dit
la Bible à ce sujet ?
Pierre : La
Bible, à ce sujet est claire. Jésus, au moment de sa mort, n'est pas allé au
paradis, mais II est allé dans la tombe, dans le séjour des morts. Il a été
effectivement mort, a donc cessé d'exister jusqu'au moment de 'sa résurrection
qui eut lieu le troisième jour après.
Thomas : Est-ce
bien là l'enseignement des Saintes Ecritures ?
Pierre : Lis les
paroles prononcées par Jésus lui-même, à ce sujet, et que l'on trouve dans
l'Evangile selon Matthieu, chapitre 12, verset 40 :
Thomas : “Car,
de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand
poisson, de même le Fils de l'Homme sera trois jours et trois nuits dans le
sein de la terre ”.
Pierre : Par ces
paroles, Jésus, qui se nomme le Fils de l'homme, indique bien où II devait être
au cours des trois jours et des trois nuits qui suivraient sa mort. Ce serait,
non au paradis, mais dans le sein de la terre, c'est-à-dire dans la tombe, dans
le séjour des morts.
Thomas : Y
a-t-il d'autres versets qui confirment cet enseignement ?
Pierre :
Absolument ! Lis, par exemple quelques-unes des paroles adressées par l'apôtre
Pierre, le jour de la Pentecôte, à la foule qui était accourue pour voir ce qui
se passait. Ces paroles se trouvent dans les Actes des Apôtres, au chapitre 2,
et aux versets 22, 23 et 24 :
Thomas : “
Hommes Israélites, écoutez ces paroles ! Jésus de Nazareth..., cet homme, livré
selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié,
vous l'avez fait mourir par la main des impies. Dieu l'a ressuscité, en le
délivrant des liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'il fut
retenu par elle ”.
Pierre : Lis
encore le verset 31.
Thomas : “
C'est la résurrection de Christ qu'il (le prophète David) a prévue et annoncée,
en disant qu'il ne serait pas abandonné dans le séjour des morts et que sa
chair ne verra pas la corruption ”.
Pierre: Ces
paroles sont claires. Jésus, au moment de sa mort, a été livré au séjour des
morts, est allé dans la tombe où il a été retenu par les liens de la mort. Mais
II ne devait pas y rester. Il devait être ressuscité et II l'a été le troisième
jour, et lors de cette résurrection, II a été délivré des liens de la mort.
Thomas : Ah,
Pierre, le sujet est clair pour moi, maintenant ! Je comprends bien, après
cette explication, que Jésus, quand il a répondu au larron, l'a assuré qu'un
jour viendrait où ce larron serait dans le paradis avec Lui, sans avoir à
l'idée que ce serait le jour même de la crucifixion. Mais dis-moi, ce paradis,
où est-il ? Comment est-il ? Est-ce que beaucoup de gens s'y trouvent ?
Pierre : Dans ce
paradis, il n'y a actuellement personne pour la bonne raison qu'il n'existe pas
encore. Mais quand il sera établi, ce sera ici, sur cette terre, car la terre
entière sera transformée en un paradis magnifique, par le Seigneur Jésus, au
cours de son prochain règne. Alors, sur terre, il n'y aura plus de guerres, ni
de maladie, ni de mort. La haine, la méchanceté, la violence n'existeront plus.
La paix, le bonheur et la joie seront le partage des hommes qui apprendront à
s'aimer les uns les autres et à aimer Dieu au-dessus de tout. Ce sera cela, le
paradis. Et, dans ce paradis, se retrouvera le larron qui ressuscitera alors,
de même que tous les morts, car la résurrection générale aura alors lieu.
Thomas : Oh
alors, je prierai avec plus de ferveur encore : “ Que Ton règne vienne, que
Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ”, afin que ce paradis
soit rapidement établi !
Pierre : II le
sera en son temps, sois-en sûr.